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#gabon: Le Gabon devenu très mauvais payeur

#gabon: Le Gabon devenu très mauvais payeur

"Dans le souci de redonner du souffle aux Petites et Moyennes Entreprises, l’Etat a procédé au règlement des arriérés sur les exercices budgétaires antérieurs à 2014 pour un montant de 390 milliards de francs CFA à fin novembre 2014. Cette opération s’est poursuivie il y a quelques semaines à travers une dotation spéciale de 155 milliards de francs CFA.

Ce faisant, nous avons voulu aider les entreprises à maintenir les emplois et à poursuivre la réalisation des chantiers tant attendus par les populations." Avait blablaté Bongo Ondimba II, dans son discours à la nation, le 31 décembre 2014.

Pourtant, une interview d'un opérateur économique en activité au Gabon, dont les propos ont été recueillis à Lausanne par Auguste Bala, envoyé spécial de l'hebdomadaire "La Loupe", démontrent le contraire. En voici la teneur.

Guido Santullo, le PDG du groupement Santullo Holding dont la filiale dans notre pays est Sericom Gabon ne sait plus où mettre de la tête, pour se faire payer sa créance de 170 milliards de Fcfa auprès de l’Etat gabonais. Oh que si, l’Italien de 80 ans a sa solution : « On sera bien obligé, malgré nous, de porter plainte contre l’Etat Gabonais en France ». Dans cet entretien direct réalisé samedi dernier à Lausanne en Suisse où il séjourne en ce moment, Guido Santullo persiste et signe : « Faute de paiement, j’ai fait arrêter les travaux ». Plus grave annonce-t-il : « On va licencier ». De quoi susciter de vives inquiétudes auprès des travailleurs de Sericom Gabon.

INTERVIEW

Comment êtes-vous arrivé au Gabon ?

C’est à la demande du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba que je suis au Gabon. Au lendemain de son élection en 2009, nous nous sommes rencontrés au 31 Avenue George V à Paris. Il y avait au cours de cette rencontre : messieurs Guy Bertrand Mapangou (Sga et porte-parole de la présidence de la République) et Maixent Accrombessi (chef de cabinet).

De quoi était-il question au cours de cet entretien ?

Lorsqu’un chef de l’Etat et un président directeur général d’un groupement d’entreprise se retrouvent, on parle perspectives de développement, donc de travailler ensemble pour atteindre un certain nombre d’objectifs bien précis. Son excellence Ali Bongo Ondimba m’a demandé le coût d’un kilomètre de route. Je lui ai répondu que le coût d’un kilomètre de route est à assimiler à un costume. Lorsque vous avez chez un tailleur, il y a des tissus de bonne qualité et d’autres, pas. Parce que le prix dépend de la qualité de la marchandise. Je lui ai donné une moyenne de prix sur les routes et les ouvrages. Au bout de quelques minutes de discussion, il m’a demandé de venir au Gabon, voir ce que l’on peut faire ensemble.

Et une fois sur place au Gabon ?

La première chose qu’ils m’ont confiée est la route Tchibanga Mayumba et le pont sur la Banio. Lorsque j’ai demandé des études, on m’a dit qu’elles n’existaient pas. Nous-mêmes, nous avons fait des études. A la suite de celles-ci, les 170 km de route Tchibanga Mayumba et le Pont sur la Banio ont été évalués à 165 milliards de Fcfa. Et nous nous accordés sur cette base avec un préfinancement, de notre part, de ces travaux. Le contrat court jusqu’en 2017.

En termes clairs ?

Séricom Gabon du groupement Santullo préfinance ces travaux. C’est –à-dire que l’on ne présentait pas des factures tous les mois. Cependant, tous les ans, il y un échéancier indiquant les engagements de l’Etat. Il doit nous payer de 23 milliards Fcfa, jusqu’en 2017. Voilà les termes de notre entente rédigée noir sur blanc.

Après plus quatre ans au Gabon, êtes-vous satisfait du climat des affaires dans ce pays ?

Aujourd’hui, par rapport à l’échéancier, je suis complètement très déçu. Les travaux sont faits à 95% pour la route Tchibanga -Mayumba, parce que nous sommes à 20 Km de Mayumba et le pont achevé à 100%. L’Etat nous doit 65 milliards de Fcfa.

Qu’en est-il de Ndendé Mouila ?

Pour ce contrat, le coût est de 85 milliards de Fcfa. En ce qui concerne les travaux, nous sommes à 50% du taux de réalisation dont le coût est de 40 milliards de travaux et nous n’avons touché que 7 milliards de Fcfa. Nous avons arrêté ce chantier depuis vendredi 09 janvier. 250 ouvriers sont au chômage technique. Ils commencent à donner de la voix. Ils sont inquiets quant à leur avenir.

Concrètement, qu’allez-vous faire ?

Notre position est claire : faute de paiements de nos factures par l’Etat gabonais, nous allons licencier notre personnel. Nous attendons les autorisations du ministère du Travail pour le faire. Cependant, actuellement, nous payons nos travailleurs quoique ceux-ci soient au chômage technique.

Et l’Ecole militaire de Fougamou ?

L’Etat nous a demandé de terminer cette infrastructure dans les brefs délais. Nous l’avons fait. Elle est prête depuis un an. Le marché était de 27 milliards de Fcfa. Nous n’avons touché que 9 milliards de Fcfa. Ce chantier est achevé à 100%. Depuis, nous demandons sa réception, en vain. On devait l’inaugurer l’année dernière, rien n’a été fait. Nous avons saisi l’Etat-major des armées pour, au moins, prendre possession du bâtiment. La réponse est tombée nette, nous ne pouvons pas envoyer du personnel là-bas, parce que nous n’avons de crédit pour payer les militaires chargés de la surveillance de cette école. Nous, on a mis une société de gardiennage en place mais je vais refacturer à l’Etat. L’herbe commence à occuper de l’espace.

Au moins, vous avez été payé pour les travaux de Kango ?

Pour ce dossier, la première partie a coûté 18 milliards. Le 18 mai 2013, lorsque le chef de l’Etat visite les travaux y relatifs, en compagnie entre autres du ministre Ngambia, il nous a demandé de doubler le premier et le deuxième ponts. On a établi un contrat des travaux. Depuis 2013 le contrat n’est même pas signé. Vous savez, lorsque les palabres du pont de Kango ont commencé, et que j’étais à une réception au palais que le président donnait, Il m’a dit mot pour mot : Santullo enlève moi une épine sous le pied. Je lui ai dit, avec tous les docteurs que vous avez là, pourquoi, avez-vous besoin de moi ? Il a dit, non c’est le pont de Kango. Je lui ai promis de trouver un système pour mettre rapidement en circulation le pont. Et, dès le 1er septembre, les véhicules légers ont commencé à circuler. L’ossature du pont était à renforcer, on continue ce travail personne ne nous a payé. On ignore si on va continuer ou pas, puisqu’on n’a pas (encore) le marché.

Pourquoi avez-vous arrêté Akiéni-Onga ?

Akiéni Onga, on a arrêté. C’est un chantier très difficile. Nous avons déjà fait 18 km de terrassement. Le coût est 75 milliards de Fcfa. 8,5 milliards de Fcfa pour la voirie d’Akiéni. Au moment où je vous parle, rien n’est encore payé.

Au regard de tout ce qui précède, quel est votre constat ?

C’est triste, vraiment triste pour le climat des affaires. Vous appelez le ministre Magloire Ngambia, au téléphone, dès qu’il écoute ma voix, il raccroche. Le ministre du Budget Christian Magnagna, lorsque vous arrivez à le joindre, il vous dit, ce n’est pas moi, il faut vous adresser au signataire du contrat avec vous. Et plus grave, il me dit que mes marchés ne sont pas budgétisés.

Combien le Gabon vous doit-il à la date d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui la créance est de 170 milliards de Fcfa. Si et seulement si celle-ci est payée à l’amiable. Mais si on rentre au contentieux, cela coûtera le triple et plus : dommages et intérêts, intérêts moratoires, les révisions de prix…

Que s’est-il passé entre vous ?

Je ne sais pas. C’est à eux de me le dire. Et pourtant, Les inspections de contrôle sont passées sur un certain nombre de chantiers. Nous nous sommes soumis à leurs observations. Mais pourquoi ne sommes-nous pas payés ? Lorsque vous envoyez des lettres, ils ne vous répondent pas. Plus 800 lettres que nous avons envoyées, sans suite. Finalement, qui est notre interlocuteur ? Nous sommes dans le nuage. Je vous fais pour faire une révélation. Un chef d’entreprise de mon niveau, à 80 ans, je n’ai jamais, alors là, jamais vu une chose pareille. Comment peut-on laisser un partenaire dans la nature, sans interlocuteur ? Je reste sans voix.

Êtes –vous prêt à quitter le Gabon ?

Il est difficile de travailler avec le Gabon. Nous sommes prêts à quitter le Gabon en faisant nos comptes. On me paye ce que l’on me doit et je pars. A mon âge on se fait plus du mauvais sang pour des actes qui ne devraient plus exister en 2015.

Aviez-vous cherché de joindre le chef de l’Etat, sur la question ?

Lorsque nous nous sommes vus sur le pont, au mois de juin dernier, le jour de l’inauguration de celui-ci, j’ai demandé à avoir un entretien avec lui. Il m’a donné son accord de principe. Jusqu’à présent il ne me reçoit pas. J’ai envoyé trois demandes d’audience au chef de l’Etat, sans suite. Je me demande s’il les a vues. Pourquoi le chef de l’Etat ne me reçoit-il pas ?

Suite à ce silence, qu’avez-vous fait ?

Nous avons envoyé une lettre de mise en demeure à la présidence de la République. Si celle-ci reste lettre morte, on sera bien obligé, malgré nous, de porter plainte contre l’Etat Gabonais en France.

Journal : Hebdo LA Loupe

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